Résumé de la coommunication :
Les récits mythiques traditionnels du monde entier racontent les transgressions entre le monde des vivants et celui des morts, celui des mortels et celui des ancêtres ou des dieux, celui des rêveurs et celui des manifestations oniriques ayant des conséquences dans le monde matériel.
Les structures de ces récits sont universelles et les rapports au sacré dont ils sont issus recouvrent des pans entiers communs à de grandes aires culturelles. La Méditerranée, médium des religions révélées et des grandes civilisations dont nous sommes les héritiers, possède un substrat mythologique partagé, reposant sur d’antiques cosmologies matinées de mutations civilisationnelles, tant temporelles que spirituelles.
Tant que l’énonciation de ces récits s’est faite par le bouche-à-oreille, la diversité des langues pouvait être un obstacle à leur transmission, mais cette difficulté fut rapidement surmontée par des êtres que les contacts transfrontaliers (migrations subies ou volontaires) avaient familiarisé avec deux langues ou plus.
L’oralité a favorisé la volatilité de ces matériaux, de variations en variantes et de variantes en versions, mais les archétypes s’y sont maintenus et ce sont eux qui irriguent encore et toujours les champs de nos traditions orales.
La compréhension des symboles liés à ces grands archétypes est partie intégrante des cultures et des langues vernaculaires que l’écriture a pu retranscrire au fil du temps. De larges corpus mythologiques textuels ont ainsi témoigné, au gré des pouvoirs en place, de cosmogonies archaïques et de cosmologies relevant de l’univers mythique.
De la transgression cosmologique d’une entité entre milieu visible et invisible propre à l’oralité, le médium écrit et le désenchantement progressif du monde ont déplacé la question des transgressions dans l’espace avec la littérature et le légendaire. Dès lors, la question des représentations imagées croisait celle du religieux, de l’art et du politique.
Avec la mécanisation et la massification de la création de contenus, une tendance à l’usage du stéréotype a refermé le champ des représentations mentales à l’inverse de ce que proposait l’oralité.
La question de l’illustration des récits dans un projet audiovisuel est donc très importante.
Depuis quelques années, il est demandé aux étudiants de la Licence TAIS de l’IUT de l’Université de Corse de réaliser un projet audiovisuel à partir d’un conte de tradition orale. Ils doivent respecter une consigne unique : rester dans l’évocation. Sans représentation figurée d’un quelconque élément du récit, leur créativité dans la réalisation audiovisuelle usant de codes symboliques n’a pour limite que ceux du public qui regarde et écoute le conte.
La question que nous voudrions aborder dans cette communication est celle de la représentation des personnages et des éléments figuratifs d’un récit mythique issu de la tradition orale corse. L’imaginaire iconographique des étudiants MMI de l’IUT de l’Université de Corse semble largement habité par l’esthétique manga et par celle des séries de plateformes, largement saturées par les représentations de l’univers Fantasy.
Serions-nous condamnés dans cette « civilisation du même » à un imaginaire figé sur ce type de représentations ?
Comment représenter le magicien corse des contes (u magu) ? Comme un Merlin enchanteur celte revisité par l’industrie de contenus ? Comme un magicien méditerranéen ? Mais cela ressemble à quoi un magicien méditerranéen ? Un magicien de la mythologie gréco-romaine ? Compliqué… Et son château ?
Pour avoir demandé à un public étudiant après écoute d’un conte traditionnel comment ceux-ci se représentaient u magu et son château, il apparaît que ceux-ci peuvent être très divers. Et cela est tout à fait normal puisque chacun d’eux se représente l’invisible à partir de son propre imaginaire, nourri de ses propres contenus culturels.
Mais si l’on doit illustrer un ouvrage ou réaliser une fiction en voulant rester proche des représentations traditionnelles, comment s’y prendre, sans tomber dans les poncifs iconographiques de l’industrie de contenus ?
Pour répondre à cette interrogation, nous mettrons en lumière, à partir d’un corpus de contes corses que nous voudrions extraire quelques caractéristiques pouvant illustrer u magu, son château et ses dépendances. Entre sources écrites et orales, l’idée sera d’esquisser ce qui ressort des descriptions de ces récits pour en établir un portrait type.